23 octobre 2005

Lucrèce, De la nature, II, 1 ~ 39

    Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense, d'observer du rivage le dur effort d'autrui, non que le tourment soit jamais un doux plaisir mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons. Lors des grands combats de la guerre, il nous plaît aussi de regarder sans risque les armées dans les plaines. Mais rien n'est plus doux que d'habiter les hauts lieux fortifiés solidement par le savoir des sages, temples de sérénité d'où l'on peut voir les autres errer sans trêve en bas, cherchant le chemin de la vie, rivalisant de talent, de gloire nobiliaire, s'efforçant nuit et jour par un labeur intense d'atteindre à l'opulence, au faîte du pouvoir.
    Pitoyables esprits, coeurs aveugles des hommes ! Dans quelles ténèbres mortelles, quels dangers passe leur peu de vie ! Ne voient-ils l'évidence ? La nature en criant ne réclame rien d'autre sinon que la douleur soit éloignée du corps, que l'esprit jouisse de sensations heureuses, délivré de soucis et de crainte affranchi.
    Ainsi nous le voyons, bien peu de choses sont nécessaires à la nature corporelle et tout ce qui ôte la douleur peut aussi nous donner maintes délices en échange. Il est parfois plus agréable, et la nature est satisfaite, si l'on ne possède statues dorées d'éphèbes tenant en main droite des flambeaux allumés pour fournir leur lumière aux nocturnes festins, ni maison brillant d'or et reluisant d'argent, ni cithares résonnant sous des lambris dorés, de pouvoir entre amis, couchés dans l'herbe tendre, auprès d'une rivière, sous les branches d'un grand arbre, choyer allègrement son corps à peu de frais, surtout quand le temps sourit et que la saison parsème de mille fleurs les prairies verdissantes.
    Et les fièvres ne quittent pas plus vite le corps si l'on s'agite sur de riches brocarts de pourpre que si l'on doit coucher sur un drap plébéien. Les trésors donc à notre corps ne profitant, non plus que la noblesse ou la gloire d'un trône, il ne reste qu'à les juger vains pour l'esprit.

18 octobre 2005

Kipling, The Jungle Books, I, Kaa's hunting

"Listen, man-cub, " said the bear, and his voice rumbled like thunder on a hot night. "I have taught thee all the Law of the Jungle for all the peoples of the jungle - except the Monkey-Folk who live in the trees. They have no Law. They are outcaste. They have no speech of their own, but use the stolen words which they overheard when they listen, and peep, and wait up above in the branches. Their way is not our way. They are without leaders. They have no remembrance. They boast and chatter and pretend that they are a great people about to do great affairs in the jungle, but the falling of a nut turns their minds to laughter and all is forgotten. We of the jungle have no dealings with them. We do not drink where the monkeys drink ; we do not go where the monkeys go ; we do not hunt where they hunt ; we do not die where they die."

02 octobre 2005

La Bruyère, Caractères, IV, 42

Donner, c'est agir : ce n'est pas souffrir de ses bienfaits, ni céder à l'importunité ou à la nécessité de ceux qui nous demandent.

Shakespeare, Le Marchand de Venise, I, 2

O me, the word "choose" ! I may neither choose who I would nor refuse who I dislike.

Racine, Bérénice, II, 2

Enfin tout ce qu'Amour a de noeuds plus puissants,
Doux reproches, transports sans cesse renaissants,
Soin de plaire sans art, crainte toujours nouvelle,
Beauté, gloire, vertu, je trouve tout en elle.
Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois,
Et crois toujours la voir pour la première fois.

T. Bernhard, Maîtres anciens

Nous haïssons les gens et nous voulons tout de même vivre avec eux, parce que c'est seulement avec les gens et parmi eux que nous avons une chance de continuer à vivre et de ne pas devenir fous.

Rousseau, Emile, V

L'essentiel est d'être ce que nous fit la nature ; on n'est toujours que trop ce que les hommes veulent que l'on soit.