18 novembre 2008

Kant, Critique de la faculté de juger, critique de la faculté de juger téléologique, appendice (méthodologie), §87

Supposé donc qu'un homme se persuade, ébranlé en partie par la faiblesse de tous les arguments spéculatifs si vantés, en partie par les nombreuses irrégularités qui se présentent à lui dans la nature et dans le monde sensible, que Dieu n'existe pas ; il serait cependant à ses propres yeux un vaurien, si, pour cette raison, il voulait tenir les lois du devoir pour simplement imaginaires, sans valeur et n'obligeant à rien, et s'il voulait se résoudre à les transgresser sans crainte. Si par suite un tel homme pouvait se convaincre de ce dont il avait d'abord douté, il resterait encore avec une telle manière de penser un vaurien, même s'il remplissait son devoir aussi ponctuellement qu'on peut l'exiger d'après le résultat, mais soit par peur, soit en vue d'une récompense, sans la conviction d'honorer le devoir. Inversement, si, en tant que croyant, il lui obéit selon sa conscience avec sincérité et désintéressement, et si néanmoins, aussi souvent qu'il suppose le cas où il pourrait être convaincu qu'il n'y a pas de Dieu, il croit qu'il serait aussitôt libre de toute obligation morale, dès lors la conviction morale doit être bien faible en lui.

28 avril 2008

Kipling, Kim, 15

"I was medidating in that body, and did not hear. So thus the Search is ended. For the merit that I have acquired, the River of Arrow is here. It broke forth at our feet, as I have said. I have found it. Son of my Soul, I have wrenched my Soul back from the Threshold of Freedom to free thee from all sin - as I am free, and sinless ! Just is the Wheel ! Certain is our delivrance ! Come !"
He crossed his hands on his lap and smiled, as a man may who has won salvation for himself and his beloved.

07 janvier 2008

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Le retour au pays

Chez eux tous parlent et aucun ne sait comprendre. Tout tombe à l'eau mais rien ne s'enfonce dans des puits profonds.
Chez eux tout parle et rien n'aboutit ni ne vient à maturité. Tous caquettent, mais on n'en trouverait pas un pour rester au nid et couver des oeufs.
Chez eux tout parle, tout s'effrite en paroles. Et ce qui hier encore semblait trop coriace pour le temps et la dent du temps pend aujourd'hui usé et rongé entre les mâchoires des hommes d'à présent.
Chez eux tout parle, tout se trahit. Et ce qu'on appelait autrefois le mystère et le secret des âmes profondes appartient aujourd'hui aux crieurs publics et autres braillards.

06 janvier 2008

Platon, Les Lois, II, 653a - 653c

A vrai dire, je prétends que chez les enfants les premières sensations de leur âge sont le plaisir et la douleur, et que c'est en elles que la vertu et le vice commencent à être présents à l'âme, tandis que la réflexion et les opinions vraies qui présentent de la fermeté, c'est une chance pour quelqu'un d'y parvenir, même lorsqu'il approche de la vieillesse. Quoi qu'il en soit, l'homme qui possède ces biens et tout ce qu'ils renferment atteint la perfection. Dès lors, j'entends par éducation, l'éclosion initiale de la vertu chez l'enfant. Si le plaisir, l'affection, la douleur et la haine apparaissent donc comme il faut dans l'âme, avant qu'elle puisse en saisir la raison, et si, lorsque l'âme en a saisi la raison, ils s'accordent avec la raison pour reconnaître qu'elle a pris de bonnes habitudes, c'est cet accord qui constitue l'excellence dans sa totalité. Mais la partie de cette vertu qui concerne la formation au bon usage des plaisirs et des douleurs et qui fait que, du début à la fin, on prend en haine ce qu'il faut prendre en haine et qu'on chérit ce qu'il faut chérir, cette partie si, après l'avoir isolée par la raison, tu l'appelais "éducation", tu aurais raison à mon avis, de l'appeler ainsi.

04 janvier 2008

Descartes, cité in Entretien avec M. de Sacy sur Epictète et Montaigne (Fontaine)

Je ne prétends pas, dit M. Descartes, dire les choses comme elles sont en effet. Le monde est un si grand objet qu'on s'y perd ; mais je le regarde comme un chiffre. Les uns tournent et retournent les lettres de l'alphabet, et trouvent quelque chose ; moi aussi j'ai trouvé quelque chose, mais ce n'est pas peut-être ce que Dieu a fait."

Pablo Neruda, 1971

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.

Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l'habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu

Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d'émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés

Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu'il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n'a fui les conseils sensés.

Vis maintenant !

Risque-toi aujourd'hui !

Agis tout de suite!

Ne te laisse pas mourir lentement !

Ne te prive pas d'être heureux !

03 janvier 2008

Pascal, Pensées, 664 (Le Guern)

Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être. Nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire, et négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité ou la générosité ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir afin d'attacher ces vertus-là à notre autre être et les détacherions plutôt de nous pour les joindre à l'autre. Nous serions de bon coeur poltrons pour en acquérir la réputation d'être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n'être pas satisfait de l'un sans l'autre, et d'échanger souvent l'un sans l'autre. Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme.