09 décembre 2005

Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 9

Si l'on concentre son attention uniquement sur la constitution civile et ses lois d'une part, et d'autre part sur les relations internationales, dans la mesure où ces deux éléments ont servi, pendant un certain temps, par ce qu'ils renfermaient de bon, à élever les peuples (et avec eux aussi les arts et les sciences) et à les glorifier, mais aussi, par leurs aspects défectueux, à précipiter leur chute - d'une façon telle, cependant, qu'il subsistait toujours un germe de lumières qui, développé davantage par chaque révolution, préparait une étape plus élevée dans la voie de l'amélioration -, on découvrira, je crois, un fil conducteur qui ne sera pas seulement utile à l'explication du jeu confus des affaires humaines, ou à la prophétie politique des transformations futures (profit qu'on a déjà tiré d'autre part de l'histoire des hommes, alors même qu'on la considérait comme l'effet incohérent d'une liberté sans règle !), mais qui ouvrira (ce que l'on ne peut avoir des raisons d'espérer si l'on ne présuppose pas un plan de la nature) une perspective consolante sur l'avenir, où l'espèce humaine est représentée dans une ère très lointaine comme travaillant cependant à s'élever enfin à un état où tous les germes que la nature a placés en elle pourront être complètement développés, et sa destination ici-bas pleinement accomplie. Une telle justification de la nature - ou mieux de la Providence - est un motif non négligeable pour choisir un point de vue particulier dans la contemplation du monde. Car à quoi bon vanter la magnificience et la sagesse de la création dans le domaine de la nature d'où la raison est absente, à quoi bon recommander cette contemplation si la partie de la vaste scène de la sagesse suprême qui précisément contient le but de tout le reste - à savoir l'histoire de l'espèce humaine - doit demeurer une éternelle objection dont la vue nous contraint, à contrecoeur, à détourner les yeux de ce spectacle et nous conduit, désespérés d'y jamais rencontrer un dessein rationnel parfait, à n'espérer celui-ci que dans un autre monde.

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